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27 janvier 2022

Portraits Télécom SudParis - Portrait de Ben MARREL (TSP 2003), Fondateur et Managing Partner de Breega

 

1. Peux-tu tout simplement te présenter ?

Question piège ! Je suis Ben Marrel, fondateur et Managing Partner de Breega, qui est un fonds d’investissement en early stage dans la tech européenne, et qui connaît une forte croissance. En 6 ans, nous sommes passés de 0 à bientôt un demi-milliard sous gestion, donc c’est une belle réussite ! Cela fait plus de 10 ans que je suis entrepreneur et avant cela j’ai cofondé deux sociétés : Rugby Division et Fiftyfor. Et puis enfin je suis originaire du midi de la France; j’ai aussi eu la chance de pouvoir vivre dans plusieurs endroits du monde, notamment au Royaume-Uni, en Argentine et en Australie. En toile de fond de mon parcours il y a le rugby, mais nous allons en reparler plus tard.

Voilà, aujourd’hui je vis entre Londres et Paris car Breega est présent sur ces deux pays, et va bientôt s’installer dans la péninsule Ibérique. En raison du contexte sanitaire je suis plutôt toutefois en France en ce moment.

 

2. Qu’est-ce que t’as apporté Télécom SudParis, et quel genre d’étudiant étais-tu à l’époque ?

L’école m’a apporté beaucoup de choses. Déjà des amis : quand tu réunis des gens de la France entière, voire même d’ailleurs, dans un même lieu, cela crée des amis pour la vie. J’ai de la peine pour les étudiants d’aujourd’hui qui n’ont pas cette chance avec la crise sanitaire. Ensuite, l’école m’a apporté une ouverture sur le monde qui était vraiment très forte. Et enfin, dans mon quotidien, l’école m’a apporté des bases techniques très solides. C’est fondamental pour moi pour pouvoir échanger avec des ingénieurs ou des développeurs et de comprendre ce dont ils me parlent.

 

3. As-tu un souvenir particulier de ta scolarité ? Est-ce que tu faisais partie d’une association par exemple ?

Pour être honnête, je passais beaucoup de temps à jouer au rugby. J’étais capitaine d’équipe, nous faisions de nombreux tournois.

Parmi mes souvenirs, j’en retiens deux principaux : le premier, c’est que nous avions eu la chance d’avoir Bob Sinclar dans ses débuts pour l’une des grandes soirées étudiantes. Et ensuite, en plus du sport, j’avais la chance de faire de la batterie et j’ai croisé deux fanatiques de jazz, et cela a abouti à l’enregistrement d’un CD qui reste très confidentiel. Ça s’appelait Zagora trio en référence à la ville de Zagora au Maroc, une ville que j’ai découvert lors de la deuxième édition du 4L trophy. Ce sont des souvenirs incroyables.

 

4. Donc tu as toujours eu cet esprit un peu aventurier et entrepreneurial ?

C’est vrai oui, je pense que cet esprit de curiosité, qui est nécessaire à l’entrepreneur, m’a toujours animé. C’est ce qui m’a naturellement poussé à embrasser cette carrière plus tard, même si cela n’est pas arrivé tout de suite. Je ne viens pas d’une famille d’entrepreneurs, donc j’avais envie de me construire et d’avoir confiance en moi dans un premier temps. Après 2-3 ans, j’ai basculé et j’ai embrassé une carrière très entrepreneuriale ; il me sera difficile aujourd’hui de faire machine arrière.

 

5. Afin de développer la confiance en soi, est-ce que le rugby a pu t’aider?

Personnellement je pense que le rugby est un école de la vie. C’est un peu simpliste, mais il y a très peu de sports qui sont à la fois des sports d’équipe et de combat. Se battre entre guillemets, avec d’autres joueurs est possible si on a le soutien et la foi en son équipe. En somme, ce sport forge une forte ténacité et permet de faire front avec une équipe assez  hétérogène : dans une équipe de rugby, si on n’a pas des costauds devant et des plus agiles derrière cela ne fonctionne pas. Et tout cela n’est pas nécessairement vrai dans tous les sports. Bon évidemment il y a aussi les railleries et tout le folklore qui vient avec, mais je trouve que dans la vie de tous les jours, cela me sert.

 

6. Est-ce que tu imaginais tes débuts dans le monde du travail comme ils se sont effectivement déroulés ?

Pas du tout. Mais alors, pas du tout. Déjà je ne savais pas tellement ce que je voulais faire, j’avais au loin l’idée d’être entrepreneur, mais cela n’est pas venu au tout début. L’école est un peu venue par hasard, comme beaucoup d’étudiants je pense : si tu as des bonnes notes à l’école, tu fais une prépa, et tu intègres une école d’ingénieur. En plus, les télécoms étaient en plein boom à mon époque, juste avant que la bulle ne pète, c'était un Eldorado.

J’ai fait mon stage de fin d’étude en Angleterre, chez Alcatel, plutôt dans des fonctions business, que je ne connaissais pas du tout car j’avais un bagage assez technique. Cela m’a donné envie de reprendre mes études pour en apprendre un peu plus sur le sujet ; et après 3 ans à l’ESSEC en programme grande école je ne savais toujours pas exactement dans quel domaine je voulais travailler, mais j’avais compris que je voulais entreprendre.

J’avais fait un apprentissage chez BNP Paribas et je me suis rendu compte que je n’étais pas vraiment un financier. Ensuite Orange a créé un techno-centre et avait un programme de partenariats avec des startups, un des tous premiers du genre. En intégrant la structure au travers de leur programme pour jeunes talents, je me suis simplement rendu compte que j’avais une préférence pour les plus petites sociétés.

J’ai rebondi en faisant dans un premier temps de la banque d’affaires à Londres, et en Asie Pacifique ; ce n’était pas prévu, mais ça s’est fait par ricochet en quelque sorte.

Ces expériences ont animé mes envies d’entreprendre.

 

7. Aujourd’hui quel est ton quotidien au sein de Breega ?

C’est passionnant ! Ça reste de l'entrepreneuriat car j’ai cofondé Breega en partant de zéro, et aujourd’hui nous sommes une trentaine de personnes et nous avons investi dans une soixantaine de sociétés.

Il faut s’occuper de ses clients, de ses partenaires, des start-ups. Je fais partie du conseil d’administration d’une douzaine de ces entreprises. C’est très riche : c’est un peu de l'entreprenariat sous amphétamine où je vis en même temps le développement de ces sociétés, leurs réussites ou leurs échecs, et de la nôtre.

Mon quotidien dans le fond est assez simple : il faut lever de l’argent déjà, puisqu’avant de l’investir, il faut bien convaincre des investisseurs de vous faire confiance, et c’est un exercice commercial de longue haleine. L’autre partie du métier est de dénicher les pépites de demain, on a de la chance chez Breega car on en a identifié un certain nombre, que ce soit Exotec (1ère licorne industrielle et 25ème licorne française), GoJob, Libeo, Curve, Cuvva, MoneyBox. C’est intéressant de les suivre depuis le tout début de leur développement, car on investit beaucoup en early stage.

 

8. Dans une de tes interviews sur youtube, tu disais qu’il ne fallait pas investir dans des start-ups qui ne vendaient pas.

Ah oui, je dis ça souvent effectivement, car je pense que la vente au sens large c’est un véritable savoir-faire. L’activité commerciale est malheureusement parfois un peu dénigrée en France, alors que c’est une activité clé. Quand on est entrepreneur c’est encore plus vrai car on passe son temps à vendre : son produit à des clients, sa vision à des collaborateurs, son ambition à des investisseurs, etc.

 

9. Qu’est-ce qui te motive à suivre une entreprise en particulier ?

J’ai besoin d’être super excité par le sujet. J’aime bien les sujets qui sont à fort impact, qui peuvent changer le monde, même si le terme est un peu dévoyé et très américain. Mais en tout cas des sujets assez profonds dans leurs changements sociétaux. Par exemple, on a investi dans Udelv qui fait des véhicules autonomes pour de la livraison, Exotec, Curve, GoJob qui fait de l’intérim 2.0. Ce sont tous des gros sujets. Et ensuite je m’intéresse aux équipes : est-ce que l’équipe qui va mettre en œuvre le projet est performante ou non. Dans le venture capital il y a beaucoup de casse, donc il faut qu’il y ait la place de faire quelque chose de gros.

Et c’est aussi pour ça que je suis un peu mal à l’aise quand je vois qu’on veut appliquer le modèle du venture capital à toutes les sauces. Ce modèle ne peut pas s’appliquer à tout. Il y a de belles entreprises qui se développent sans levée de fonds surtout si elles vendent à leurs clients. Des sociétés qui peuvent vraiment avoir une trajectoire VC et qui peuvent valoir 200 millions, 500 millions, 1 milliard, il n’y en a pas tant que ça.

“Big things, big people”. Sur notre site web, nous avons résumé cela en V.I.P. :

  • Vision, est-ce que je vais pouvoir changer dans le monde ?
  • Individuals, qui est une notion de talent et d’exécution
  • Product, car il faut pouvoir délivrer un produit tech révolutionnaire

C’est trois critères sont extrêmement importants.

 

10. Quelle entreprise incarnerait le mieux ta réussite avec Breega,?

En terme

d’investissement ? Je vais encore citer mon grand-père : “C’est à la fin du bal qu’on paie l’orchestre”, donc on va voir.

Si je prends le parallèle du rugby, je trouve qu’on a fait une incroyable première mi-temps : un des VC qui a la plus grosse croissance en Europe, bientôt ½ milliard sous gestion. Après on a la deuxième à jouer, et il faut développer des belles sociétés, et je ne peux pas présager du futur. J’en ai cité quelques-unes et on a de très belles boîtes en ligne de mire. On se retrouve quand même après 6 ans avec Exotec, GoJob, Libeo, Didomi, Hubble, Curve, Cuvva, Money Box, Alice & Bob, Crowdsec…

 

11. Et dans les sociétés dans lesquelles tu as investi, connais-tu personnellement tous les fondateurs?

Comme vous l’avez compris on est une équipe donc je ne suis pas tout seul, mais je connais tout le monde car je les vois toutes grâce à notre processus d’investissement. Ensuite il est vrai que j’entretiens une relation de proximité plus importante avec les fondateurs avec qui je siège au board très clairement, je les vois plus fréquemment. Il y a une forme d'écho ou de résonance : on se retrouve très souvent à être le sparring partner pour les aider à trouver des solutions. J’étais board member de Foodchéri, racheté par Sodexo, qui était aussi une super histoire. Foodchéri c’est un peu le rollercoaster de l’entreprenariat ! Juste après notre premier investissement, leur cuisine a brulé. Et une des premières personnes que Patrick a appelées c’est moi, il s’est dit “je suis sûr que Ben aura une vision ou un réflexe d’entrepreneur et pas simplement de financier plus traditionnel.”

 

12. Quels sont tes autres projets futurs ?

J’ai encore énormément de choses à faire chez Breega. Il faut encore accélérer, ouvrir d’autres bureaux, couvrir d’autres régions et pourquoi pas l’Afrique, c’est un sujet qui nous est cher. On a probablement les moyens et les capacités de faire émerger des géants locaux. Cette idée de faire des choses impactantes pour le monde m’est chère, le sujet de l’éducation aussi. Je pense que dans plusieurs années, mon futur projet sera très probablement autour de l’éducation.

 

13. Pour rebondir sur la finance, est-ce que vous auriez un conseil à donner pour quelqu’un qui débute ?

Déjà je pense qu’il faut faire s’enrichir de plusieurs expériences, une en vente ça c’est très important pour moi, vous l’avez compris, une en finance d’entreprise aussi parce qu’après tout le reste découle de ça. Idéalement il en faudrait trois, réfléchir au marketing, au produit et aux gens c’est essentiel.

On finit tous par diriger des équipes. Il faut aussi utiliser les petits boulots ou les stages ouvriers pour apprendre à travailler en équipe. Gérer une équipe d’une dizaine de personnes dans un snack peut t’apprendre énormément de choses.

Moi je suis passé par le M&A (ou les fusions acquisitions) qui est super école mais c’est très dur. Et ensuite j’ai entrepris, ce qui a aussi son lot de difficultés. Donc il n’y a pas de courbes ou de trajectoires linéaires, il faut faire des choses qui nous font vibrer.

 



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